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« Enfant lune » un album qui rapproche son artiste du soleil ?

  • Enzo
  • 12 mars 2019
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 sept. 2020


Par Enzo Villet


Si toi aussi tu crois être l’incarnation du mot « galérer », que tu passes ta vie à tourner en rond, comme les aiguilles d’une montre mal réglée, alors cet article pourrait t’intéresser.

Ce sont, en effet, les premiers mots, du premier titre, du premier album « Enfant lune » de Gringe, alias Guillaume Tranchant, paru le 2 novembre 2018. Dans ce même titre, il explique à quel point les différentes rencontres qu’il a faites dans sa vie, l’ont aidées à se sortir de cette mauvaise passe, notamment sa rencontre avec Orelsan, avec qui il fonde le groupe des « Casseurs Flowters » en 2013.

Cette année marque la sortie de leur premier album « Orelsan et Gringe sont les Casseurs Flowters » qui sera certifié disque de platine. Celui-ci aura son lot de classiques tel que « Bloqué » ou « Regarde comme il fait beau ». J’ai personnellement eu un coup de cœur pour le dernier titre de la tracklist « Des histoires à raconter » qui est rempli de sincérité, dans lequel on peut facilement se reconnaître, et pour « change de pote » qui est une chanson drôle et entrainante.



En 2015, ils sortiront un deuxième album « Comment c’est loin », bande originale du film du même nom où ils jouent les deux acteurs principaux. Après n’avoir sorti aucun son en 2 ans, les deux personnages se résolvent à écrire une chanson en 24 heures sous la pression de leurs producteurs (dont skread qui est producteur et beatmaker pour le groupe, et dont certaines de ses instrus sont des tracks à part entière dans l’album). Cet album sera à son tour certifié disque de platine, notamment grâce à ses hits « Inachevés » « A l’heure où je me couche » et « si facile ». Pour ma part, j’aime particulièrement « radio phoenix » qui nous emmène dans l’univers du freestyle et « le mal est fait » où Gringe parle en solo, de ses vices.

Avec le succès du groupe et la notoriété de son partenaire, Gringe s’est fait connaître du grand public, mais il restera confiné dans l’ombre de l’artiste qui lui a permis d’émerger sur la scène. Il mettra trois ans avant de sortir son album solo, et malgré un public fidèle, ses sons auront du mal à dépasser les 2 millions de streams sur Spotify.

Même son feat avec Orelsan, Vald et Suikon Blaz AD atteint seulement les 5 millions de streams, lui qui était habitué à approcher voire dépasser la barre des 10 Millions avec les casseurs.

« Enfant Lune » est le nom donné pour une maladie génétique rare nommée : Xeroderma Pigmentosum. Les personnes qui en souffrent ne peuvent pas s’exposer aux rayons ultraviolets, notamment émis par le soleil. Gringe l’utilise comme une métaphore, peut être pour montrer le fait qu’il préfère vivre en décalage d’une société qui le dégoute, la nuit.

Étant donné qu’il serait dommage de cloisonner un artiste et sa musique au nombre de ventes ou de streams qu’il génère, je vais tenter de vous expliquer pourquoi j’ai adoré cet album rempli de sincérité.


I) Un artiste qui accepte sa faible notoriété individuelle à travers un album personnel


Pendant 3 ans, Orelsan a eu le temps de sortir son album « la fête est finie » certifié disque de diamant et de remporter plusieurs victoires de la musique. La séparation des casseurs ne s’est pas faite à cause d’une dispute comme c’est le cas dans la plupart des groupes, et les deux artistes sont restés étroitement liés.

On pourrait penser que Gringe garde une part de jalousie envers son ami mais il montre à plusieurs reprises dans son album que ce n’est pas le cas, et il joue même avec le fait d’être « le second » du groupe. Dans on danse pas , il prononce cette phrase « Je suis l'sidekick d'Orel' que tu connais même pas, et franchement, j'peux comprendre que tu m'aimes pas, J'ai pris ton biff, tu l'savais même pas », comme s’il était totalement inconnu du public il dit d’une manière arrogante qu’il a quand même tiré profit du duo. Il dira aussi d’une manière assez provocatrice dans Konnichiwa : « C'est moi l'inconnu du grand public avec un double platine ».


On remarque qu’il n’y a que trois « vrais » featurings (où l’autre artiste fait plus que le refrain), ce qui montre son intention de ne pas forcément populariser son album (malgré deux feat avec Orelsan qui sont plus le résultat de leur amitié) afin qu’il soit le plus personnel possible.

Gringe n’est donc pas un artiste mainstream, et cette position semble lui convenir.


II) Une analyse pessimiste de la société


Dans son album, Gringe va émettre différentes critiques vis-à-vis de nos sociétés modernes dans plusieurs de ses aspects.

Il dira notamment dans on danse pas : « Je suis sur le net, j'suis sur Netflix, Ma levrette arrive en UberX, J'la mets en cloque, j'en fait une mère poule, Petite famille repart en Uberpool ». Il essaie de montrer à travers ces vers que de nos jours, tout passe par le net, même le sex. On peut aussi penser qu’il critique ici le fait que l’on fasse tout très vite, la référence au UberX fait référence au sex mais aussi au fait que ce soit la version « premium » d’uber, censée être plus rapide. A peine avoir fini avec sa partenaire, elle repart (cette fois dans la version cheap d’uber).


Dans Konnichiwa, il qualifie la société comme un ensemble de personne attiré par l’argent, qui le place même avant l’amour, alors que celui-ci n’est qu’un besoin secondaire selon Darwin : « Ah bon, l'amour est dans le pré ? Ici, il est surtout dans l'prêt bancaire », « Loi du plus cupide, on redescend la courbe de Darwin »

Il compare l’école à une prison dans scanner, montrant par ailleurs son dégoût pour le système scolaire qui l’a fait décrocher : « L'école nous enferme, bien sûr qu'on décroche »

Enfin, dans karma, il parle de sa méfiance vis-à-vis des religieux orthodoxes, et dans un sens plus large des personnes fermées d’esprit : « J'me méfie d'celui avec qu'un seul degré d'lecture, jamais loin du côté obscur »

III Une analyse de sa propre personne en déchéance mais pas sans espoir

En plus d’être pessimiste vis-à-vis de la société qui l’entoure, Gringe analyse aussi dans son album sa propre personne, montrant sa déchéance et sa marginalité

Il parle notamment de sa propre autodestruction dans paradis noir à travers ces mots : « Ne cherche pas à m'sauver, je suis ma propre bande rivale ». Comme si personne ne pouvait l’aider dans son malheur, car il se bat contre lui-même. Il déclare dans déchiré « C'est comme ça, j'finis toujours par détruire c'que j'aime », il est donc à la fois le coupable et la victime de ses problèmes.

Ce sentiment de culpabilité l’entrainera à dire dans enfant lune « Souvent, j'hésite à faire le grand saut » montrant ses tendances suicidaires.



Il mettra en avant à plusieurs reprises son rapport à la drogue, notamment dans scanner « Moi, dans mon coin, j'roule joints sur joints, j'me soigne au pilon, mon regard en dit long » et dans LMP (qui veut d’ailleurs dire « laisse-moi planner ») « J'pécho la neige je redescends la ligne en polaire J'sens plus mes molaires, j'sens plus la colère ». On comprends que la drogue, douce ou dur, l’aide à oublier ses problèmes et à se sentir mieux, faisant de lui une personne en marge des normes sociales.

Cependant, malgré un tableau plutôt noir de la société et de lui-même, il déclare dans paradis noir : « Mais quelle est cette sombre lumière qui éclaire mon paradis noir ? » comme si quelque chose venait illuminer sa vie. Il ne sait pas encore quoi, mais cela présage une amélioration de sa condition.


III) Un homme coincé entre amour et désillusion sentimentale


Le thème principal abordé dans cet album est l’amour. Gringe se déclare apte à aimer, mais de manière toxique. Il dit dans pièces détachées : « Moi, quand j'aime, c'est jusqu'à l’œdème », c’est-à-dire jusqu’à l’excès. Pourtant il est capable d’aimer, dans jusqu’où elle m’aime, il déclare « j’m’emporte et j'la fais souffrir aussi fort que tout l'amour que j'lui porte », cependant cet amour n’est pas sain et il est amené à blesser sa partenaire. Il écris d’ailleurs cet album dans un contexte de rupture avec une personne qu’il aimait, mais qu’il a certainement fait souffrir : « J'ai quitté Eden dans un train d'enfer » paradis noir.

Il semble donc impossible pour lui de construire une relation saine. Il décrit sa désillusion face à l’amour, et ses nombreux adultères.

Il déclare dans paradis noir : « J'écris des chansons d'amour pour ceux qui font l'amour mais dont l'cœur est encore vierge » pour distinguer l’amour et le sex, car même s’il a déjà aimer, il comprends la situation de ceux à qui il s’adresse et peut donc écrire à ce sujet.


Il explique dans la même chanson, que la seule chose qu’il a faite durant son absence est de payer les services de prostituées, tout en étant en couple, et se faire démasquer par sa partenaire. « Si tu m'demandes c'que j'ai bien pu branler toutes ces années à part repousser l'album ? Rien (rien), sauf payer pour m'sentir sale, me faire péter et mentir mal ». Il n’a pas d’état d’âme vis-à-vis du fait que sa copine se soumette au point d’accepter ses infidélités : « quand t'en baise une autre Guillaume, fais-le comme si c'était d'moi qu'il s'agissait » je la laisse faire. Il est lui-même conscient des actes d’adultères de sa partenaire « Ma faute si tu jouis dans les draps d'un autre ? » je la laisse faire. Le titre de cette chanson (je la laisse faire), montre son manque d’investissement, peut être car il est certain que ça n’aboutira jamais à quelque chose de sain.

Ainsi, comme il le déclare dans pour la nuit « Si l'amour est dans l'air, moi, j'bats des records d'apnée J'reste à jamais fidèle à l'infidélité » il sent bien l’amour autour de lui mais il ne pourra jamais y accéder.


IV) Un artiste qui se livre, notamment à propos de sa situation familiale compliquée


Gringe va aussi se livrer à travers cet album, à propos de sujets douloureux.

Dans pièces détachées, il parle de l’abandon de son père quand il était enfant et des conséquences de ce traumatisme. Il déclare « Un jour, tu m'donnes la vie, puis l'autre, tu m'abandonnes, Si je cherche ton fantôme, comment devenir un homme ? », sans présence de modèle paternel, Gringe a du mal à se construire.

Il dit : « Et j'ai passé tout mon temps à fuir, un peu comme mon père l'a fait ». Gringe semble donc à l’image de son père, fuir ses responsabilités, notamment vis-à-vis de ses relations amoureuses. Sa mère les compare par rapport à ca : « Maman dit qu'on est les mêmes »


Il aborde la mort de son frère dans scanner « Mais ce soir, il a suffi d'une fois, d'un mauvais trip, un mauvais mélange, pour qu'les drogues de synthèse te foudroient et qu'tu t'en ailles tutoyer les anges, cerveau disloqué, convulsions hardcore et plus personne à bord pour piloter » , à la suite d’un traumatisme lié à un badtrip.


Ainsi, à travers cet album, Gringe s’affirme en tant qu’artiste solo. Il émet une critique de la société dans son ensemble et produit un travail d’auto-analyse conséquent. Il en tire la conclusion que la cause de sa déchéance vient aussi de lui-même. Il aborde aussi le thème de l’amour, dans lequel il ne se reconnaît qu’en partie, se considérant lui-même impossible à aimer de manière saine. Ce premier album solo est aussi l’occasion pour lui d’aborder des sujets douloureux comme sa rupture, l’abandon de son père ou la mort de son frère. Malgré avoir été au plus mal (jusqu’à penser au suicide) pour les diverses raisons qu’il cite, il semble apercevoir une lueur d’espoir, peut-être à travers cet album.


C’est pourquoi j’ai adoré cet album, en plus d’apprécier le flow et les instrumentales qu’il utilise, sa démarche de sincérité, de remises en question et d’analyses pertinentes notamment dans son rapport à la société et à l’amour m’a touché.

Mon coup de cœur est la chanson retourne d’où tu viens que je n’ai pas évoqué, dans laquelle il parle de son ex et de sa tentative de retour.





 
 
 

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