Fela Kuti : africa, center of the world

Par Lucas Gomes

Fela Kuti surnommé the Black President, est un chanteur, danseur, multi-instrumentiste créateur de l’Afrobeat. Genre musical qui naît dans les années 1970, il s’agit d’un véritable syncrétisme entre sonorités traditionnelles africaines (entre autres Yoruba, l’ethnie à laquelle il appartient) et jazz.

Fela Kuti écrit à la suite de la décolonisation. Il s’inscrit dans le mouvement politique et culturel du panafricanisme ayant vocation à revivifier la culture africaine. Ce mouvement est censé faire émerger un sentiment de solidarité entre tous les Africains, y compris ceux issus des diverses diasporas. C’est dans ce contexte que Fela Kuti vient à changer son identité. Il désanglicise son nom passant de Ransome Kuti à Anikulapokuti (signifiant en Yoruba : celui qui porte la mort dans sa poche, exprimant l’idée selon laquelle Fela aurait un contrôle total de sa vie). Il exhorte les Nigérians à adopter leur propre culture et valeurs et à ne plus penser par le biais d’un prisme néocolonial.

Il coréalise en 1975, la chanson Africa, Center Of the World, à l’aide de Roy Ayers, un Jazzman américain. Celui-ci est un fervent défenseur de l’Africanisme. Il réalisa de nombreuses bandes de films pour le mouvement de blaxploitation (films indépendants réalisés par des afro-américains). Après avoir réalisé une tournée dans la majorité des grandes villes nigériennes en 1979, FelaKuti, et Roy Ayers (ayant réalisé sa première partie lors de sa tournée) décident de réaliser un album nommé Music of Many Colours dont Africa Center of the World est issue. Cette œuvre se veut comme une critique de l’ignorance de l’Occident, et du peu de cas qu’elle fait de l’Afrique. Fela Kuti, ainsi que ses chanteuses répètent à plusieurs reprises : « Center of the world – Africa ». Cette dernière réplique, cherche à faire du berceau de l’humanité un symbole dans le monde qui ne doit être oublié.

L’Afrique est également au centre du monde pour Fela Kuti, et a été la cause de nombreuses guerres pour l’obtention de ses richesses. Le chanteur, fait le procès du monde occidental, considérant qu’il a trop de fois, dans son histoire, sous-estimée l’Afrique d’un point de vue culturel. Pour ce faire est répété : « Ignorant – that is the reason » « western civilization – Ignorant”. Pour le chanteur, les Africains doivent occuper de manière spirituelle le « centre du monde » explique-t-il longuement. Il cherche à faire renaître une idéologie qui s’est développée une dizaine d’années : le Nkrumahisme ; idéologie panafricaine, théorisée par l’ex chef d’Etat ghanéen Nkrumah. Fondée sur ce qu’il nomme le « communalisme traditionnel africain », il cherche à recréer une société précoloniale, ou dans son idéalisation, celle-ci serait fondée sur l’égalité entre tous où le bien-être de la communauté primerait sur l’individu. Fela Kuti, cherche donc, en somme à faire renaître en profondeur les traditions africaines, tant d’un point de vue pratique que spirituel.

D’un point de vue instrumental, cette chanson est caractéristique des rythmes de l’Afrobeat à savoir quelques accords à la guitare, des claviers et un rythme progressif. Musicalement, la touche de Roy Ayers se manifeste par la présence d’un xylophone, son instrument phare. On peut y distinguer divers instruments traditionnels de musique nigériane présents dans la quasi-totalité du morceau, à savoir des Akubas (congas traditionnels yoruba), et un chékéré, petite percussion d’Afrique de l’Ouest.

https://www.youtube.com/watch?v=iyFqUOxPT-I