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Népal - Le rappeur de l’ombre ou caméléon ?

  • Camille
  • 19 févr. 2020
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 20 janv. 2021

Article écrit par Camille Bno.


C’est un rappeur aux multiples visages et au talent monstrueux que nous avons perdu la semaine dernière. Les hommages émis sur les réseaux sociaux furent à son image : sobre, concis et sans épanchement dans les médias. En effet, Népal est souvent considéré comme un « rappeur de l’ombre » par les médias mais aussi par ses coéquipiers. Connu sous le nom de « Népal » et « Grandmaster Splinter » en tant que rappeur, « klm » en tant que beatmaker, membre du duo 2Fingz avec le rappeur Doums (fidèle acolyte et backeur de Nekfeu), fondateur du label/collectif la 75e session, il est aussi omniprésent sur la quasi totalité des projets des rappeurs parisiens (Nekfeu, Doums, Alpha, Lomepal, Fixpen Sill etc..) et pourtant très peu connu du public.


Cette sous-exposition s’explique en partie par la volonté du rappeur lui-même. Pratiquement aucune interview disponible, un visage masqué que ce soit dans les clips, les freestyles ou les concerts, une production de sons bien qu’extrêmement qualitative assez peu régulière n’aidant pas à la reconnaissance de la part du public. À cela, on peut également ajouter que le rappeur se sert de ses 3 alias (klm, Népal, Grandmaster Splinter) comme pour brouiller les pistes et rester en loin des projecteurs .

Sur le compte Instagram de Lomepal on peut lire le jour de l’annonce de sa disparition « T’aimais pas parler de toi sur les réseaux alors mon hommage public* sera court ». Cette phrase résume très bien le rapport assez atypique et sage qu’entretenait le rappeur avec la spirale parfois infernale que peuvent représenter les réseaux sociaux pour un artiste. Mais alors qu’est ce qu’on peut retenir d’un rappeur dont on ne connait presque rien, qui ne parle pas de lui sur les réseaux ou dans des interviews et qui partage des projets au compte goutte ?


Tout d’abord comme on a pu le lire dans beaucoup d’hommage et d’articles à son propos, Népal est un rappeur et un lyrisciste hors pair. Tous s’accordent à dire qu’il fait partie des artistes les plus talentueux de sa/notre génération, ce qui ne fait que renforcer la peine causée par sa perte aussi bien pour son entourage que pour le rap français.

Ce rappeur qui n’avait « rien d’spécial » comme il le répète dans le titre éponyme sorti y il a 3 ans (qui comptabilise plus de 7,5 millions de vues sur youtube) se revendique avec humilité comme un être humain lambda. Pourtant, peu sont capables de rivaliser avec son talent pour manier les rimes et la plume. En effet, quel rappeur peut se targuer de citer une phrase entière en japonais dans un couplet de rap français, sans trébucher sur aucun mot, que ce soit en studio ou en concert, le tout ayant un sens cohérent au sein du couplet? Par ailleurs, aussi surprenant que cela puisse paraitre, cet anonymat et ce mystère renforce la collusion entre l’artiste et l’auditeur. Puisqu’il est quasi impossible de savoir quoi que ce soit de son identité, de son parcours ou même de son visage en dehors de ce que le rappeur décide de nous livrer dans ses textes, le lien entre le public et l’artiste se construit à partir de ce à quoi chaque auditeur peut s’identifier. Une phrase, une référence, une réflexion, une image, chacun de ses détails prend beaucoup plus de sens une fois délaissé de tous les artifices de la communication et la publicité habituelle qui enrobent un artiste. On accède alors à un rapport très simple et direct avec le rappeur, presque « pur » : pour comprendre, il faut seulement regarder, écouter, réfléchir. Rien n’est pré-mâché, tout est à comprendre par soi-même, rendant l’exercice et la compréhension certes plus long(ue) et plus fastidieux(se) mais beaucoup plus spontanée, naturelle et authentique. De plus, cet anonymat et ce mystère accentuent l’intérêt et la curiosité que l’on peut porter au rappeur et son oeuvre. Chacun le comprend à sa manière et tisse un lien unique avec ses textes.


Népal est également un rappeur et artiste capable de créer une grande diversité styles et d’ambiances. Du bangers au cloud rap, ce rappeur « touche à tout » nous révèle un large panel d’horizons musicaux. Cette capacité se matérialise très bien dans la séparation rouge et bleue de l’EP 444 nuits. Si la distinction du rouge et du bleue reste mystérieuse (Matrix, Pokémon?) ce que est certains c’est la séparation nette en terme d’ambiance qui s’observe.

Selon moi, cette distinction peut se comprendre comme le déroulement d’une soirée. La partie rouge, rythmée et egotrip (texte qui pour but de flatter son propre ego, de se vanter mais dans une démarche généralement à prendre au second degré) nous offrirait la partie de la soirée où on s’amuse, se vante, danse sur des gros bangers … Une partie plus « festive », où « l’entertainement » est au centre des morceaux. C’est d’ailleurs la seule des deux parties qui comporte des featuring ce qui permet également de penser que cette partie correspond à un moment de sociabilité, et d’échange avec les autres.

On retrouvera des titres comme « Overdab » en featuring avec Fixpen Sill, Suga Suga en ft avec Doums (partenaire de Népal dans le duo 2Fingz) ou encore avec M le Maudit (membre incontournable des Tontons Flingueurs) sur le morceau Bizarre city.

Cette ambiance contraste donc énormément avec la partie bleue dans laquelle le rappeur nous offre des sons plus calmes, planants, à la limite du cloud rap par moment allant de paire avec une imagerie cohérente et répétitive en terme de clips. Toujours de dos, capuché, au ralenti déambulant dans une ville (Tokyo pour Rien de Spécial, Venise pour Babylone, Paris pour Skyclub..).

Des textes poétiques, assez profonds, traitant de questions plus ou moins existentielles. Cette partie de l’EP pourrait correspondre aux réflexions qui accompagnent un retour de soirée à pied ou dans un Noctilien bien vide. Et cet aspect de la production musicale de Népal est celui qui a le plus touché le public. Comme dit plus haut, son titre le plus vu et streamé reste Rien de Spécial, ceci témoigne bien que pour la majeur partie de son public,


Népal reste un artiste proposant un rap réfléchi, posé et profond. Enfin, comment parler de Népal sans évoquer la 75 sess’ et le dojo ? Pour les « nerds » de l’Entourage et des débuts de 1995 dans les années 2010, la 75e session est un élément incontournable du rap français parisien. Il s’agit d’un collectif crée dans les années 2010 autour duquel gravitent rappeurs, cinéastes, beatmaker, grapheurs, etc qui s’est progressivement muté en label de production d’artistes.

C’est de la 75e session que nait une flopée de talents que nous connaissons aujourd’hui (Di-Meh, Georgio, 1995…). Cette entité particulièrement du monde de la création musicale a donc été co-fondée par Népal et Sheldon. Avec la d’abord la série de freestyles « John Døe » dont il inaugure le premier épisode, puis les projets divers et variés Népal devient alors un véritable homme de main de la scène de rap parisien dans les années 2000. Toujours en association avec Sheldon, ils créent ce qui est aujourd’hui connu sous le nom du « Dojo », à savoir une maison reconverti en studio/dortoir/lieu de rencontres de toute la scène rap parisienne underground. Dans les premiers temps, ces amoureux du son produisent même des projets gratuitement.

Cet ovni musical symbolise bien le parcours de Népal à travers la scène rap français : l’amour de la musique avant celui de l’argent ou de la célébrité. Sortir de la « matrice » est un leitmotiv qu’on retrouve à travers quasiment tous ses projets. Cette « trice-ma » dont il faut s’échapper représente, pour Népal, tous les vices humains du monde moderne qui gangrènent notre société et le système politique. Le capitalisme, la cupidité, la re- cherche maladive du pouvoir, le sensationnalisme des médias et des réseaux sociaux, sont autant de maux desquels Népal tente de tenir le plus loin possible.

 
 
 

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