Le grand retour des Strokes

Après 7 ans d'absence, le groupe The Strokes revient en force avec un 6ème album intitulé "The New Abnormal", à paraître le 10 avril 2020. Sacha Mesnier s'est penché sur cet événement en nous partageant sa passion pour ce groupe. Penchez-vous sans plus attendre sur cette brève rétrospective des divers albums d'un groupe de rock qui a toujours su se renouveler.

Is this it ?

« Je crois que beaucoup de gens étudient trop les règles et ensuite ne savent pas comment être créatifs.»

Ces mots de Julian Casablancas -le chanteur- résonnent en moi quand j’écoute les strokes, comme je vais vous l'expliquer à travers cette “critique”. Et oui je mets des guillemets car je vais très peu critiquer aujourd’hui. En effet, il m’est impossible d’attaquer non seulement mon groupe de musique préféré mais surtout le groupe qui a changé ma perception de la musique : Pourquoi être musicien et comment produire sa musique ? Et d'ailleurs pourquoi suivre les règles ?

Les strokes ont pour moi totalement métamorphosé l’histoire du rock. D’abord par leur choix de revenir aux bases du genre afin de mieux participer à sa refondation complète et à son décloisonnement.

L’ambivalence de leur nom est la meilleure preuve de la particularité du groupe. En anglais “stroke” signifie à la fois une caresse et un coup, un AVC. Leur musique est mélodieuse mais l’usage des guitares et de la voix est dur.

Au tout début des années 2000, le groupe comprend que le rock est complète mutation. C’est la fin d’une ère de cohabitation entre rock et rap et ce dernier, le genre le plus récent, va entamer sa domination sur un rock en pleine recomposition.

L’album Is this it est la pierre angulaire du projet des strokes, c’est l’album indé garage qui ne sera malheureusement jamais égalé par le groupe (ni par aucun autre selon moi).

Les riffs sont efficaces, les suites d’accords sont furieuses, Valensi (le guitariste) produit des solos brefs mais très bien construits. (the modern age, Last nite). Les lignes de basses sont hypnotisantes (is this it) et assez travaillées, ce qui est plutôt rare dans ce genre de rock.

Et maintenant, parlons du maître : Julian Casablancas. C’est lui la tête pensante du groupe. Il une voix qui alterne entre nonchalance et puissance, ce qui rend le tout très étrange.

Sur l’album, il raconte surtout la vie urbaine, la difficulté de communiquer dans une métropole (hard to explain), la solitude, les sentiments amoureux ; bref, des sujets qui peuvent parler à tous les auditeurs. On touche ici à la caractéristique la plus magnifique dans la musique des strokes selon moi. Ils veulent faire de la musique pour les gens, et Casablancas le dit lui-même : “quand j'étais petit, je voulais juste écrire de la musique qui puisse toucher les gens”. Le groupe estime que c’est la musique pure qui procurera des émotions au public. On le voit dans le traitement du son dans l’album. Il est volontairement laissé “sale” pour ne contenir “ni stratagèmes, ni pièges” (Nick Valensi, le guitariste).

Seulement, les strokes ce n’est pas qu’un album. Les 2 suivants Room of fire et First Impressions of Earth restent généralement dans la même ADN que Is this it.

Room of fire arrive à se hisser à un niveau quasi équivalent à is this it. Avec des morceaux légendaires. Reptilia le 2eme son de l’album est d’ailleurs une des musiques les plus connu du groupe.

First impressions of earth a la particularité d’avoir une première moitié de tracklist parfaite. L'enchaînement Heart in a cage, Razorblade et On the other side montre toute la maîtrise musicale du groupe.

Tout allait bien dans le meilleur des mondes. Les strokes avaient “sauvé le rock” et il vendaient des milliers de disques. Néanmoins, comme toujours il y a eu des embrouilles dans le groupe (ça arrive avec tous les groupes putain). Comme d’habitude, le leader commence à vouloir trop s’émanciper , ce qui déplaît aux autres membres, donc le leader annonce une carrière solo… Et pour finir, il y a une pause dans le projet.

5 ans, le monde a attendu 5 ans l’album des strokes. Heureusement, chaque membre a sorti des projets solos.

En 2011, ils sortent leur 4eme album nommé Angles. Cet album est mal reçu par la critique et les fans. Il s'avère que Casablancas fait évoluer le projet artistique du groupe vers un univers plus pop. Fini les guitares sales et la voix quelque peu saturée des premiers disques. Le son est travaillé après l’enregistrement et les mélodies changent. Les lignes de basses sont par exemple bien moins originales et travaillées et on voit même l’apparition de synthé.

L’album est dans l’ensemble plus sombre que les précédents.

En somme, les fans sont insatisfaits. On peut comprendre leur incompréhension en écoutant un album en rupture par rapport à l’âme du groupe. En plus, les membres ont enregistré leur partie séparément ce qui n’a pas facilité la cohérence du groupe.

Personnellement, je pense que les Strokes ont compris. Ils ont compris que des artistes ne peuvent pas rester dans une même configuration éternellement, que nous ne sommes plus dans l’âge d’or du rock et que le genre doit peut-être s’orienter vers la pop.

Leur dernier album en date Comedown machine sorti en 2013 confirme cette transformation.

C’est pop, c’est rock, les mélodies peuvent autant être basiques que compliquées.

Julian Casablancas part parfois dans des aigus très perturbants notamment sur One Way Trigger.

Enfin, ce que j’aime chez les strokes c’est leur refus d’artificialité. L’éloge d’une simplicité musicale décriée par des artistes prônant la masturbation auditive où la technique est reine est un véritable bol d’air pour tous les amateurs du genre.

La citation de Casablancas résume donc l’essence de la musique des Strokes. Le groupe a compris que la musique s’écoute avec les oreilles mais se ressent avec le cœur. Leurs mélodies simples restent si accrocheuses et transmettent selon moi toujours plus d’émotions que n’importe quel groupe.

Tout cela pour dire qu’ils sortent leur nouvel album le 10 avril. Ils ont déjà sorti 3 singles qui figurent sur le nouvel album. At the door, Bad décisions et Brooklyn Bridge to chorus.

Les 3 sont relativement différents et montrent bien le nouveau projet musical du groupe : entre garage rock et pop inspiré des années 80. J'espère que le reste de l'album sera tout aussi convainquant et vous conseille vivement de l'écouter dès demain !