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Une sélection des sorties électroniques de la rentrée

  • Antoine
  • 2 déc. 2019
  • 17 min de lecture

Dernière mise à jour : 14 sept. 2020

Par Antoine Goussot


Quelques précisons techniques :

-Référenciation d’un EP ou LP se fait sous la forme suivante : [ABC001] Exemple : [Abréviation de : « Abécédaire » + Suivi des sorties du label : Sortie n°1] -Référenciation des morceaux sur un EP ou LP se fait sous la forme suivante : A1, A2, B1

-Héritage des publications en vinyle : A1 étant le premier morceaux de la Face A, A2 le deuxième etc…


Sorties depuis début Septembre


Blawan : Many Many Pings [TESC006]

Sorti le 18 Octobre 2019 sur Ternesc

Jamie Roberts, plus connu sous son nom de scène Blawan, est à lui-même un artefact vivant de ce que la scène anglaise a su proposer de mieux depuis le début des années 2010. Après s’être fait connaître en surfant sur la vague post-dubstep et bass music britannique toujours plus pointue et inventive, il a opéré une transition vers des sonorités singulièrement plus techno d’une froideur dont lui seul a le secret. Le producteur anglais qui nous a habitué à de rares sorties, toujours parfaitement calibrées, a su étoffer son bagage technique et sonore en s’installant à Berlin et créant par le même occasion le duo Karenn, avec son compatriote Pariah, qui galvanise les foules à chaque performance en live, contribuant à la notoriété du personnage. Many Many Pings revient et insiste sur ce qui constitue l’ADN du producteur et vient appuyer par la même occasion cette montée en puissance qualitative qu’il sait opérer au gré de ses sorties. La recette Blawan est d’une complexité qui mériterait des pages d’analyses laissant comme unique certitude le fait qu’il est aujourd’hui le seul à pouvoir produire avec une telle précision des morceaux de cet acabit. Véritable génie du sound designing, il laisse paraître de fortes intuitions quant à la structure de ses morceaux qui se voit totalement annihilée par une multiplication incalculable de pistes et éléments sonores apportant des dimensions uniques à chaque production. Chaque track de cet EP parait être une expérience auto-suffisante tant la progression du panel de sonorités industrielles et froides qu’il met à disposition est surprenante et se voit accompagner de structures rythmiques cycliques dont l’éclatement est parfaitement congru. La particularité des quatre morceaux de Many Many Pings est la faculté déconcertante qu’a le producteur anglais à parvenir à ses fins en noyant l’auditeur dans une marée de sonorités au premier abord insurmontable et interminable, pour laisser transparaître le lead (élément mélodique principal) qui manquait à l’équation. Que ce soit sur le titre éponyme avec une utilisation surréaliste du pitch sur un lead animé et crispant, sur Lox (A2) et son lead rebondissant et obsessionnel ou encore la basse écrasante et triomphante sur Gadget (B1), Blawan réussit une prouesse technique époustouflante. Si le choix des sonorités parait évident, le travail de sound designing sur l’utilisation du panning (où se situe la sonorité sur le spectre sonore) et du mixage sur chaque pistes est colossal. Ce dernier permet aussi au producteur de s’emparer en profondeur de l’entièreté du spectre sonore et surtout de nos jeunes oreilles innocentes. Many Many Pings représente l’aboutissement d’un travail impressionnant ne laissant aucune place à l’hésitation et assure un voyage aplatissant. Il s’agit d’un des EP qui m’a le plus marqué en cette année 2019 et que je conseille fortement aux personnes voulant s’introduire au monde de la techno, par une production sensiblement plus intelligente que dansante.

Skee Mask : Iss004 [ISS004]

Sorti le 21 Octobre 2019 sur Ilian Tape

Le producteur munichois Skee Mask vient peaufiner sa saga sur Ilian Tape en sortant son 4ème EP sur le label faisant suite à sa dernière sortie Iss003 en début 2019. Un des acteurs les plus prometteurs et iconoclastes de ses dernières années sur la scène électronique, Skee Mask fait ses classes en jonglant entre plusieurs genres, expérimentant avec des sonorités toujours plus dissonantes et surprenantes. Son processus de création fait par ailleurs l’objet d’une certaine fascination lui permettant de rapidement constituer autour de son travail une véritable communauté d’amateurs de son style expérimentale et y voyant les prémices d’un véritable génie en la matière, le comparant même a Burial. Celui qui se définit comme un « half nerd », explique avoir un attachement particulier à la production tout en avouant ne pas se lier d’affection pour un hardware (matériel de production, ex : synthétiseur, séquenceur …) particulier afin de donner un côté renouvelé à ses productions en axant sa réflexion musicale sur une expérimentation constante. Iss004, composé de 5 titres, porte en son corps cette vision du renouveau par l’expérimentation quasiment inhérente aux productions de l’artiste. Cet attribut confère une véritable fluidité dans l’élargissement de sa patte artistique tout en assurant une cohérence à sa suite d’EP sur Ilian Tape. S’il s’agit de faire une classification des genres présents sur l’EP, on pourrait sobrement citer un subtil mélange entre des tracks calibrés Ambiant, une froideur Techno et un panel rythmique empruntant à la Dubstep, au UK garage, et au Breakbeat façon IDM ou électro. Ce qui fait la véritable force et la distinction de cet EP est la particularité du rythme oscillant entre bafouillement, métamorphose et longues séquences répétitives orientées Techno et électro rappelant Jansen Inspector que l’on peut retrouver sur Juug (A1) et Play Ha (B2). De plus, sans verser dans un breakbeat onéreux, on peut retrouver sur les quatre premiers morceaux de Iss004 des ruptures et variations rythmiques précises et délibérément brouillons propre à des artistes expérimentés tel que Special Request. Une certaine fraîcheur se retrouve dégagée de cet EP, peut-être plus que sur les premiers de la série, laissant plus de place à une confrontation de sentiments opposés, un véritable cri de détresse offrant cette sensation d’euphorie refoulée. Cette synthèse s’opère parfaitement sur le morceau RZZ (B1), qui constitue par ailleurs un embryon post-dubstep et UK garage revisité à la sauce Skee Mask, laissant transparaître un côté atmosphérique, angoissant et révoltant, véritable point d’orgue de Iss004. Le producteur allemand vient ponctuer son œuvre par Sphere in Total (B3), un sublime morceau ambiant venant abréger cette parenthèse éclectique et ouvrant sur un univers de possibilités.


Floating Points : Crush [ZEN259X]

Sorti le 18 Octobre 2019 sur Ninja Tune

Crush de Floating Points est le seul album présent dans cette sélection pour des raisons qui me sont évidemment propres mais dont le choix d’analyse m’a paru assez colossal pour un seul LP. Premièrement, la parution sur Ninja Tune parait être une dotation quasiment suffisante à la qualité du disque. Le label Londonien sur lequel on peut retrouver les légendaires Bonobo ou encore Mr. Scuff, a su assurer dernièrement la qualité de son héritage en signant et distribuant deux albums déjà phares de la décennie 2010 : Drunk [BRC542], pièce maîtresse de la Néo-Soul contemporaine orchestré par le sulfureux Thundercat, ainsi que Bicep [ZEN244], premier album fracassant du duo de Belfast, Bicep, considéré par la presse spécialisée comme un classique avant l’heure de la musique électronique contemporaine. Si le producteur londonien Floating Points n’est pas à sa première sortie sur Ninja Tune et encore moins à son premier fait d’arme tant ses productions ont su transcender les barrières imposés par les genres qualifiés d’« électroniques » depuis 2010, ce premier album laisse une impression bouleversante qui m’est très personnelle et de manière plus générale d’œuvre parfaitement réalisée. De nombreux thèmes qu’il convient de contextualiser sont abordés dans cet album, dont la pleine compréhension est équivoque et nécessite plusieurs écoutes. On y retrouve de manière générale, une synthèse assez claire entre cette dualité que représente le chaos et l’espoir que l’on peut gracieusement imputer à la situation politique actuelle du Royaume Unis et les incertitudes laissées par le Brexit, notamment dans la sphère artistique Londonienne. Ces interrogations relatives à la place de l’émulation culturelle et de l’individu « pensant » dans ce processus politique inextricable, fortement dominé par la victoire culturelle des Tories, constituent une dimension non négligeable à cet album. Les prises de position publiques d’artistes britanniques de la scène électronique (dont Floating Points) viennent par ailleurs confirmer la prédominance actuelle de cette thématique inexorablement animée par cette fracture politique qui touche le Royaume-Uni. Il est difficile de faire totalement abstraction des thématiques plus ou moins concrètes de cet album du fait de sa structuration saccadée et de l’enchaînement informe des morceaux, venant marteler à l’auditeur cette dualité entre chaos et espoir, évoquée plus haut. Cette dimension politique et métaphysique plus ou moins écartée, la structuration si particulière de Crush laisse présager une analyse musicale qui s’opère au gré de la sensibilité de l’auditeur. Cependant, la continuité implacable des morceaux de l’album, assurée par un fil conducteur très implicite, laisse présager une structure véritablement orchestrale* axée autour de points d’orgues et de rechutes. De même, la structuration des morceaux est animée par une progression crescendo débouchant sur une rupture fracassante, qui s’est imposée comme l’une des formule magique du producteur que l’on retrouve sur l’un de ses morceaux phares Nuits Sonores, datant de 2014. L’album s’ouvre sur Falaise, une entrée idyllique proprement symphonique empruntant à toutes les catégories d’instruments (notamment cuivres et instruments à vent), amorçant une brèche à l’horizon intriquant et proprement constitutive d’une introduction grandiloquente. L’arrivée sur Last Bloom (A2) nous fait redécouvrir l’univers de Floating Points, caractérisé par un panel étoffé de sonorités précises et délicates, ne s’entrechoquant jamais avec un rythme toujours plus effréné et se voyant ponctuer par des variations des plus sublimes. Il va sans dire que cet album emprunte des éléments caractéristiques à biens des genres musicaux et prépondérant aux différents morceaux qui vont assurer son déroulement. On y trouve des teintes d’IDM, de Early Dubstep et de UK garage dans les rythmiques, d’une techno hybride dans la puissance, de structures rappelant le Future Jazz Londonien et des éléments séquencés selon les principes bien établis de la Deep House. Dès lors, va s’orchestrer un mouvement ascendant et descendant entre les morceaux. Anasickmodular (A3) se caractérise par une atmosphère downtempo et très mellow, accompagné d’un breakbeat singulièrement britannique, avant de s’ouvrir sur une montée en puissance majestueuse grâce à de voluptueuses couches de cordes séquencées. Sur Requiem for CS70 and Strings (A4), on observe une place prépondérante laissée aux dites cordes, sur un thème symphonique et laissant présager la première rupture cyclique de l’album. L’enchaînement Karakul (A5) et LesAlpx (A6) incarne le premier mouvement vers le noyau de Crush. Le premier est un enchaînement maîtrisé d’expérimentations sonores singulièrement électroniques et ouvrant sur LesAlpx, morceau véritablement marquant dès la première écoute. On constate une transposition de la structure même de l’album au sein du morceau, marquée par des ruptures intelligentes et assourdissantes pour laisser place à un récital de ce que constitue l’identité sonore de Floating Points. Le premier morceau de la Face B intitulé Bias constitue le deuxième morceau du noyau dur de l’album en s’ouvrant sur un point de chute à LesAlpx (A6) et en assurant un mouvement transitoire vers les 5 derniers titres. L’atmosphère crispante et planante, digne d’un Western, que marque l’introduction de Bias (B1) se voit complètement annihilée par un rythme déraillant, frénétique et virant à la saturation, dont l’entrée s’opère suite à une rupture subite et étourdissante. Si le nom du morceau est très certainement une référence au producteur britannique de 2-Step et de UK Garage Zed Bias, la fin du morceau se voit ponctuée d’un arrêt soudain d’une rythmique devenue quasiment club et que l’on croyait encore en pleine métamorphose. S’enclenche alors un mouvement descendant minutieux, ouvrant de nouvelles perspectives aux sonorités plus organiques. Le relais que prend Environments (B2) est symptomatique de l’essence même de Crush. On retrouve un enchaînement beaucoup plus rapide des émotions illustré par des variations sonores osées, un rythme délibérément plus brouillon et une transposition parfaite de la dualité espoir/chaos. Cette dualité se matérialise par les phases mélodiques et ambiantes des plus touchantes de l’album, détruites par un vacarme répétitif et alarmant ainsi que terriblement oppressif. On peut noter les longues secondes de silence qui ponctuent ce morceaux, très rares dans l’album, gage, si je ne m’abuse, d’une volonté manifeste de poser un constat quant à la nature thématique du morceau (indice : Environments). Birth (B3) annonce une phase cyclique mélancolique et ambiant, où l’on retrouve un univers idyllique et familier, affiné par la présence du premier piano présent sur l’album de Floating Points. Il en va de même avec Sea-Watch (B4), marqué par cette même absence de rythmique, où le piano est une nouvelle fois le lead et se voit accompagné de magnifiques instruments à cordes rendant le voyage plus fluide et moins terne. Les deux derniers morceaux, Apoptose, Pt.1 (B5) et Apoptose, Pt.2 (B6) viennent parachever l’œuvre en ouvrant un dernier mouvement cyclique, particulièrement complémentaire, justifiant il me semble cette division en deux partie. Le panel sonore d’Apoptose, Pt.1 (B5), parait aussi être la synthèse de la Face B, alliant rythmique organique et étouffée, un synthétiseur se voulant proche du piano et une saturation des pistes sur la fin du morceaux. La deuxième partie ne se compose quasiment que d’une séquence rythmique à la modulation incertaine rappelant le duo anglais Mount Kimbie, plus rapide et effréné, ponctué par de courts éléments de textures antagonistes. Ce dernier mouvement vient rappeler l’importance certaine accordée à une conception structurée de la discorde par Floating Points, annonçant sobrement l’issue de la lutte dont il est question en filigrane des 44 min proposées sur Crush : le triomphe de l’anomie.


*Terme utilisé par Ray Philp sur sa critique de l’album réalisée sur Resident Advisor


Roza Terenzi : Metal Glo [KWXPR001]

Sorti le 08 Octobre 2019 sur Klasse Wrecks

Le retour de Roza Terenzi avec un EP sur le label Klasse Wrecks est loin de passer inaperçu dans la scène house. La productrice Australienne et digne ambassadrice de la scène émergente de Melbourne, qui a déjà fait ses classes partout en Europe avec notamment une performance des plus excitantes au festival Dekmantel 2019 (dont elle a signé des morceaux sur le label) rend sur Metal Glo une prestation dans sa plus fidèle lignée. Habituée à manier avec panache un équilibre remarquable entre house teinté de breaks précis et décoiffants, rythmiques « électro » sorties des années 80 et sonorités scintillantes. Les deux titres Metal Glo (A1) et All Starz (B1) sont parfaitement calibrés pour égayer et enrichir n’importe quel set de House en y conférant une dimension retentissante et particulièrement échauffée. Le premier titre s’inscrit dans la lignée de ce qui fait la notoriété de l’artiste avec cette rythmique décalée et des pistes mélodiques entraînantes avec un travail important sur la progression des arpèges et sur le pitch des notes. Le remix de Metal Glo (A2), orchestré par Mr. Ho et le sulfureux Luca Lozano est un exercice particulièrement réussi, en recréant une atmosphère hybride faisant la jonction entre Roza Terenzi et Luca Lozano, deux des artistes les plus compétents dans leur catégorie. Le track All Starz (B1) et son remix par Morgan Wright & RP (B2), s’intègre parfaitement dans l’alchimie et la progression offertes par l’EP, en proposant deux accompagnements à cette sonorité dissonante rappelant une sirène de raid aérien, présente sur le premier morceau de la face B. En somme, cette sortie s’inscrit parfaitement dans la patte artistique du label Klasse Wrecks et d’une vision particulière de la house que l’on peut retrouver aux soirées proposées par La Station, Gare des Mines à Paris, mêlant cette volonté de toujours rompre avec une rythmique binaire, comme un batteur de Free Jazz, ainsi qu’une attention particulière portée à la création de sonorités toujours plus originales et étoffées. Roza Terenzi confirme une nouvelle fois par la même occasion l’étendue de son savoir-faire et de sa volonté de s’imposer comme incontournable dans sa scène.


Alignment : Infinity [VNR039]

Sorti le 04 Octobre 2019 sur Voxnox Records

En mai dernier, le producteur italien Alignment a signé une entrée remarquable dans le circuit techno avec son EP Interference [ETB054], dont le titre éponyme a fait danser l’Europe entière en devenant un « secret weapon » des grosses pointures du genre. Ce concentré qui fait la renommée des producteurs Italiens, à savoir des morceaux droits au but et particulièrement imposants, a su trouver la synthèse parfaite dans le studio du producteur maintenant installé à Berlin. Teinté de fluides et imposantes basses Acid inspirées de la scène Rave des années 90 et de la fameuse TB-303 de Roland, la recette parait parfaite pour asseoir le statut de jeune producteur extrêmement prometteur et conscient de l’univers qu’il dégage. En signant cet EP Infinity sur le label Allemand Voxnox, Alignment s’assure une visibilité et distribution à la hauteur de ses ambitions en côtoyant des producteurs tels que Hadone, Blame the Mono, Opal ou encore PØLI & Lorenzo Raganzini. Pour ce qui est du contenu de l’EP, on retrouve la formule magique des productions de l’italien, entre une techno directe aux rythmiques percutantes, de lourdes basses orientées warehouse et une modulation des pistes des plus surprenantes mais sensiblement efficace. Le track éponyme est un exemple prégnant de ce qui est retranscrit dans cet EP, en illustrant avec brio la signature de l’artiste grâce à ce synthé triomphant et déroutant. Le morceau Alienist (B2) atteste par la même occasion de la qualité et la diversité de l’œuvre en s’ouvrant sur une rythmique dont la programmation rappelle beaucoup celle de la TR-808 de Roland, mêlée à des synthétiseurs des plus énergétiques, conférant une véritable atmosphère techno années 90. De manière générale Infinity vient confirmer une très bonne année 2019 pour Alignment et parachever son ascension fulgurante en signant un EP de très haut vol.

Réédition Physique, Sortie Streaming & Remix

Herbert – I Hadn’t Known (I Only Heard) [ACJ130D]

Sorti le 09 Octobre 2019 sur Accidental Jnr

Cette réédition physique de Mathew Herbert est à faire frémir les amateurs de Deep House et autres collectionneurs de vinyles. Sûrement l’un des morceaux de la discipline les plus déterminants, il est mis à l’honneur en passant du deuxième morceau de la Face B (B2) de l’EP So Now … [GRAPH03] sorti en 1996, à la tête d’affiche de cette réédition éponyme. Si ce morceau est incontestablement la meilleure introduction à la discographie de Herbert, il est aussi un fragment incontournable de la Deep House s’inscrivant dans la lignée des grands titres du genre de la deuxième partie des années 90 et lui conférant ses grandes lignes directrices. La légèreté qui fait la légende de ce morceau est matérialisée par la présence de nappes voluptueuses, d’une ligne de basse semi syncopée* incroyablement envoûtante et bien évidement ces éléments vocaux « I Hadn’t Known » et « Before » répétés avec beauté par la vocaliste Dani Siciliano. On peut aussi noter une focalisation rythmique importante sur les Charley ainsi que l’utilisation de click** et de bleep***, qui n’est pas sans rappeler aussi des morceaux prémices de Micro-House présents sur les label Kompakt et Perlon pour ne citer qu’eux. Cette réédition constitue à cet égard une volonté de rétablir quelque peu l’histoire de ce morceau dont l’impact n’était très sûrement pas envisagé par l’artiste, en lui rendant ses lettres de noblesses et un EP hommage. On peut aussi ajouter à cela l’inflation conséquente des prix du Vinyle sur le site Discogs (minimum 70€) due à un présage assez faible en 1996 expliquant sa rareté et qui vient peut-être justifier cette réédition.


*Bien que la présence de basses syncopées (notes attaquées sur un temps faible et prolongées sur le temps suivant) était déjà marquée dans la House, celle-ci est assez novatrice pour le genre puisqu’elle attaque sur un temps fort un première fois avant d’opérer une syncope sur le 3 et 4ème temps. Particularité que l’on retrouvera beaucoup sur les productions de Micro-House Roumaines.

** Samples ou éléments de batterie dont l’Attaque est très faible (durée nécessaire au son pour atteindre sa vélocité maximale) et où le Release l’est aussi (durée nécessaire pour que la vélocité du son revienne à un niveau nul)

*** Sonorités plus ou moins aléatoires renvoyant à un style musicale du même nom. Très utilisé dans la musique minimale et dites « glitch ».


SchakeMake them Remember [KULØR005]

Sorti le 04 Novembre 2019 sur KULØR

Réédition physique et sortie sur les plateformes de streaming du deuxième EP de Schake sortie en 2017 sur Ectotherm, considéré depuis comme l’un des plus hauts dignitaires de la scène Fast Techno Copenhaguoise en Europe, Make them Remember s’impose comme véritable ADN des soirées Fast Foward, actes révolutionnaires de la vie nocturne à Copenhague depuis quelques années dans un sulfureux mélange hybride entre une techno graveleuse et précise et un retour assumé à des sonorités Trances et Uplfiting, le tout à 140 BPM. Si le track éponyme est un exemple assez net de ce qui définit la patte du jeune producteur ainsi que celle de la scène Fast Techno, le très brillant A Future Not Materialized (B1) nous dévoile l’entièreté de son savoir-faire avec une techno texturée flirtant avec l’ambiant, qu’il confirmera avec l’EP Kisloty Forever [КЛУБ001] en 2019. Cette réédition sur le label KULØR n’a rien d’anodin. Le Label Danois ambitionne de compiler le meilleur de la scène Fast Techno comptant déjà parmi ses rangs des producteurs tels que Repro, Sugar ou encore Mama Snake, prêts à insuffler une légèreté et une nouvelle vision de la fête partout en Europe.

Paula TempleEdge of Everything Remixes I & II [NM010] [NM011]

Sorti le 27 Septembre et le 11 Octobre 2019 sur Noise Manifesto

Une série très attendue constituée de deux EP de remix, qui font suite à l’un des albums les plus aboutis et importants de l’année, le désormais classique Edge of Everything de Paula Temple sorti sur Noise Manifesto. La londonienne de naissance, désormais installée à Berlin, qui n’a pas peur de se définir comme une « noisician » (littéralement musicienne du bruit), connaît une carrière des plus engagées et étoffées de la scène techno industrielle. Active en tant que DJ depuis la fin des années 90, elle décide de mettre en parenthèse à sa carrière dans les années 2000 en contribuant activement au développement de Abbelton (un logiciel de MAO). Cette parenthèse lui permet d’apporter une critique au monde de la techno ainsi qu’une dimension éminemment politique à ses récentes sorties depuis le début de la décennie 2010, dont le point d’orgue constitue la sortie en mai dernier de son premier album. Edge of Everything constitue une véritable odyssée bravant les limites de l’existence humaine dans un mélange parfait entre un brutalisme vandale, une techno « bruyante,, quasiment fantasmagorique*» et une place assourdissante laissée aux silences. La construction de l’album met délibérément en lumière deux tracks orientés clubs et incontournables par leurs sonorités aplatissantes mais singulièrement anthropoïdes : Joshua & Goliath (A2) et Cages (C2). Si ces deux morceaux vont être à l’honneur de cette série avec notamment de brillants remix de SLAM sur Cages et de Paul MØRK & EASTEl sur Joshua & Goliath, artistes signés sur Noise Manifesto, label de Paula Temple, les travaux de SNTS sur Open The Other Eye et de Sos Gunver Ryberg sur Berlin sont tout aussi notables par leurs facultés à vitaliser des morceaux initialement destinés à donner une ossature et un sens à l’album. Dans ces deux EP, le parti pris par Paula Temple est simple et parfaitement exécuté par les artistes présents sur le projet : trouver un angle d’attaque à des morceaux plutôt ambiants et explorer toutes les possibilités laissées par les tracks Techno. En somme, cette extension d’un déjà brillant album vient confirmer la délicatesse des thèmes abordés, la complexité de sa compréhension et assurer son futur héritage.

*Resident Advisor et Paula Temple

Sorties importantes à venir

RandomerSleep of Reason [HS004] Sortie Physique et Digitale prévue le 28 Novembre sur Headstrongs Records Un des artistes techno les plus importants de la décennie selon mon humble avis, dont les EP Bring / Curtains [HEK021] et HS002 [HS002] sont d’ores et déjà considérés comme classiques par Resident Advisor, signe son retour sur Headstrongs Records, label qu’il a cofondé avec le duo écossais Clouds. Adepte des sonorités crues, des constructions minutieuses et d’un Sound Designing étouffé mais toujours parfaitement calibré, ce nouvel EP de Randomer semble laisser présager sans trop pouvoir se tromper, une réalisation techniquement au-dessus, mobilisant des sonorités et des arrangements toujours plus singuliers et conquérants. A ce jour et avant même sa sortie, le titre éponyme de l’opus a su se laisser glisser dans différents sets d’artistes proches du Londonien tel que deux des artistes féminines les plus en vogue du moment, la Polonaise VTSS et notre Anetha nationale. Si l’heure n’est plus à la surprise, ni même à la confirmation pour Rohan, de son vrai nom, l’on peut espérer une entrée en bonne et due forme dans cette nouvelle décennie, accompagné d’un nouveau projet avec VTSS, le duo Body Sushi qui risque de retourner les dancefloors en 2020. 2 titres déjà disponible sur la chaîne YouTube HATE.

AnsomeHounds Of The Harbour [TPTLP010]

Sortie Physique et Digitale prévue le 8 Novembre sur Perc Trax (Déjà sorti, je suis un branleur)

Le petit protégé de Perc, patron de la techno industrielle Londonienne, risque de signer l’un des albums de l’année tant son talent s’étaye et se confirme à longueur des sorties. Le premier single en date de l’album, intitulé Pedal to the Metal, annonce la couleur. Une techno froide flirtant avec la variété proposée par la Bass Music et la Tribe couplée à une vision oblique de ce que doit être la techno industrielle en 2019. Si le schéma et les mécanismes de production vers lesquels s’oriente Ansome sont des plus sinueux et attestent d’une certaine volonté d’évolution perpétuelle, ça ne sera sans laisser une trace importante sur son époque.


Burial Tunes 2011 – 2019 [HDBCD048]

Sortie Physique et Digitale prévue pour le 6 Décembre sur Hyberdub

Une des annonces les plus réjouissantes de cette fin d’année, Burial va ressortir un album. Celui qui a marqué à jamais l’histoire de la musique électronique avec Burial (2006) et Untrue (2007) entend faire une rétrospective de sa décennie 2010 avec une compilation de morceaux, pour la plupart inédits. Depuis sa relative notoriété, le mystère plane sur ce producteur Sud Londonien dont l’anonymat n’a cessé de soulever interrogations et fascination. Son subtil mélange entre UK garage, ambiant, early dubstep et Trip Hop, travail énigmatique mais si familier, brave incontestablement les barrières du monde de la musique électronique et ne compte plus le nombre de producteurs de renom qu’il a inspirés. Il est sûrement l’une des figures majeures de la musique électronique du XXIème siècle, tant par l’impact de ses (rares) productions que de la résonance si singulière de ces dernières. Pour ajouter au palmarès déjà étoffé de Burial, une vidéo du magazine Resident Advisor* sur YouTube nous apprend que le producteur n’avait jamais touché à un logiciel de MAO (Musique Assisté par Ordinateur) pour composer ses deux faits d’armes cités ci-dessus. A l’inverse, l’intégralité de ses pistes étaient samplées du jeu vidéo Metal Gear Solide (!) et des sorties britanniques de l’époque (UKG, 2-Step, RnB voire des covers postées sur internet), rendant la précision de ses productions complètement irréelles et lui conférant cet aspect très touchant (notamment sur l’utilisation des vocaux) et humain dans le mixage. Si ses apparitions et publications sont rares depuis Untrue, le londonien n’a visiblement rien perdu de sa finesse avec Rodent [HBD113] sortie en 2017, ce qui laisse présager de très bonnes choses pour cette compilation en deux disques. Cette sortie en compilation sur Hyberdub, son unique label, n’est pas sans rappeler les Selected Ambient Work d’Aphex Twin et parait être la manière plus à même de retracer, s’il en est, la tumultueuse et mystérieuse évolution de la force de création d’un des plus grands capteurs de notre époque.


*Resident Advisor – Burial’s Untrue : The making of a Masterpiece


PS : Je conseille véritablement et sincèrement l’écoute de Untrue à n’importe quel amateur de n’importe quel type de musique. J’espère que cela vous touchera autant que moi !


Antoine Goussot

 
 
 

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